Conserver fait innover
L'espace de jeux de la crèche © Chartier-Dalix architectes
La reconversion de l’ancienne maternité Pinard en équipement mutualisé est revenue à l’agence d’architecture Chartier-Dalix. L’occasion, pour elle, de se consacrer à des thèmes qui lui sont chers : transformer le déjà-là, fabriquer des communs, intégrer le végétal.
Entretien avec Pascale Dalix, fondatrice et co-gérante de l’agence Chartier-Dalix.
Que signifie pour vous reconvertir la maternité Pinard ?
C’est un bâtiment très emblématique à la fois d’une histoire – celle de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul – et d’un passé commun aux générations de Parisiens qui y ont été soignés. Le projet pérennise ce double témoignage, tout en explorant le potentiel de reconversion du site. L’occupation temporaire des Grands Voisins a révélé, avant le projet, que le bâtiment pouvait recevoir une grande diversité d’usages et les faire interagir.
Comment s’opère la transformation ?
Le bâtiment qui avait fermé le cœur d’îlot dans les années 1970 est démoli et remplacé par une construction d’un rez-de-chaussée, avec un jardin en toiture. Ce dernier prolonge la cour de récréation, située au même niveau, et lui offre 500 mètres carrés en extérieur de plus que le programme le prévoyait. Autre modification, les toits à deux pentes des ailes est et ouest, qui étaient également des ajouts, deviennent des toitures-jardins.
Ces quelques transformations rapprochent le bâtiment de sa configuration initiale. Elles constituent aussi un acte symbolique : toutes font place au végétal ! Celui-ci va jusqu’à grimper sur les murs pignon situés de part et d’autre du nouveau jardin, dégagés par la démolition du bâtiment refermant la cour. Pour faciliter l’installation du vivant, nous habillons ces murs pignons de briques de réemploi disposées pour créer aspérités, anfractuosités et débords… L’îlot devient ainsi un support de nature et de biodiversité, de continuités vivantes.
Sur le plan urbain, l’ouverture de la cour au nord inclut visuellement la Maison des Médecins et le cœur d’ilot voisin au-delà de l’enceinte de l’hôpital. Cela offre même des vues sur la tour Montparnasse et des perspectives sur une partie du 14e arrondissement.
Le jardin suspendu, en balcon sur la rue © Chartier-Dalix architectes
Et l’intérieur du bâtiment ?
Il était question de continuer à faire vivre l’édifice, sans pour autant le mettre sous cloche. Le projet le préserve néanmoins le plus possible. Travailler sur des espaces préexistants conduit à s’interroger sur la manière de tirer parti de leurs qualités intrinsèques pour accueillir leurs nouveaux usages. Cette posture a indirectement favorisé l’innovation sur le plan pédagogique.
Par exemple ?
L’étroitesse des bâtiments est l’occasion de repenser les espaces d’enseignement. Les classes sont toutes traversantes et ont à disposition une « pièce en plus » qui permet d’encourager de nouveaux projets pédagogiques. Favoriser l’apprentissage interclasse, stimuler les activités artistiques et créatives, inciter l’autonomie des enfants et la prise en charge des plus grands par les plus petits, sont autant d’ambitions qui ne trouvent habituellement pas leur place dans les espaces standards de l’école. De plus, la multiplication des circulations verticales, trois pour cinq classes, permet d’apaiser tous les déplacements intérieurs qui se font en petits groupes.
Un espace partagé entre deux salles de classe © Chartier-Dalix architectes
Pinard a été qualifié de « super-équipement ». Qu’est-ce que cela signifie ?
L’équipement rassemble une crèche, une école maternelle et élémentaire, un gymnase, des tiers lieux et des activités. Cette richesse programmatique, inhabituelle, a représenté pour nous un « permis d’innover ». Pour répartir les différentes fonctions de manière à mutualiser des espaces et à susciter la rencontre de leurs utilisateurs. Pour rendre l’équipement pleinement polyvalent, flexible, capable de s’ouvrir au quartier en accueillant des usagers et activités différents, lors d’une même journée, dans le courant de la semaine… La Ville et l’aménageur nous ont beaucoup aidé dans ce travail de décloisonnement, en entretenant le dialogue de projet entre les directions des divers services municipaux concernés.
Comment l’équipement s’ouvre-t-il au quartier hors temps scolaires ?
La bibliothèque accueille en journée les enfants des écoles maternelle et élémentaire. Mitoyenne des tiers-lieux, elle les prolonge le soir, les week-end ou durant les vacances pour des cours de yoga, des lectures de contes, des soirées bridge, des permanences associatives… La cour de récréation est accessible au public depuis l’extérieur, sans passer par l’école. Cinéma en plein air, brocantes, marchés, activités sportives… de nombreuses activités peuvent s’y dérouler en dehors des temporalités scolaires. Dans le prolongement de la cour, le réfectoire, le préau, le centre de loisirs et aussi les tiers-lieux – pratiquement tout le rez-de-chaussée – sont partagés avec le public. Aux étages, la crèche et les salles de classes sont clairement délimitées et fermées.
La cour de récréation : un concert, en soirée... © Chartier-Dalix architectes
La cour de récréation : un événement sportif, le week-end... © Chartier-Dalix architectes
Quelles réponses avez-vous apportées à la demande d’utiliser des matériaux biosourcés et de réemploi ?
Le gymnase est réalisé intégralement avec une structure en bois. Il est située en sous-sol, sous la cour de récréation. Décollé des bâtiments latéraux, il est éclairé naturellement sur ses quatre côtés. J’ai déjà évoqué les briques de réemploi en pignon comme support de végétation. Le projet envisage aussi de réutiliser les tuiles des toitures déposées pour les utiliser en revêtement de sol des toitures terrasse.
Le gymnase © Chartier-Dalix architectes