Îlot Chaufferie

Une double structure

21 avril 2020

© Bourbouse & Graindorge / Sergison Bates architectes


L’îlot Chaufferie est une des incarnations de l’architecture contemporaine dans le futur quartier. Gricha Bourbouze, concepteur, nous en révèle les multiples dimensions, dont une double structure.

Comment avez-vous abordé le projet de l’îlot Chaufferie à Saint-Vincent-de-Paul ?
Pour un concepteur, l’ancien hôpital représente un site stimulant, de multiples problématiques s’y superposent. Celle, par exemple, du rapport entre construction neuve, immeubles anciens préservés et histoire des lieux. Ou encore la qualité du logement dans un îlot résidentiel dense. Mais, de nombreux autres sites parisiens ou londoniens – notre agence partenaire, Sergison Bates, est implantée dans la capitale britannique – présentent des défis similaires. En revanche, le projet Saint-Vincent-de-Paul est unique par les opportunités d’expérimentation qu’il concentre. Le bailleur social Paris Habitat et l’aménageur, P&Ma, nous donnent les moyens de réaliser un projet démonstrateur innovant à la fois en termes de qualité de l’habitat, d’intégration urbaine dans le quartier et de performance écologique.

En quoi votre projet est-il expérimental ?
Avant tout sur un plan constructif. La demande, formulée dans le cahier des charges, d’utiliser des matériaux biosourcés, nous a conduit à faire collaborer deux systèmes structurels différents. Une solution inhabituelle dans la construction contemporaine. Le squelette de l’immeuble – poteaux et poutres – ainsi que les planchers sont en bois massif, un matériau biosourcé à très faible impact carbone. Les façades sont, elles, constituées de murs de briques « à l’ancienne », d’une épaisseur de 20 centimètres. Cette enveloppe extérieure forme une structure indépendante de l’ossature bois qu’elle renferme. Elle la protège des intempéries tout en assurant l’isolation thermique de l’immeuble. La brique n’est pas ici pour l’immeuble un simple habillage esthétique, mais bel et bien un matériau structurel. Même si elle n’est pas biosourcée, elle est pérenne, facile à entretenir, intrinsèquement durable. Enfin, elle répond visuellement aux façades des bâtiments voisins, Lelong et Pinard, préservés, tous deux en briques. Pour des raisons techniques, seules les fondations, les cages d’escalier et d’ascenseur, ainsi que quelques poteaux centraux, sont en béton. Mais il s’agit d’un béton bas carbone, à l’impact environnemental réduit.

Au-delà de sa structure innovante, quelles sont les caractéristiques de votre projet ?
La forme de l’îlot esquissée dans le cahier des charges — un bâtiment continu en forme de U, autour d’une cour centrale — a été réinterprétée. Ce monolithe est décomposé en trois bâtiments aux angles biseautés, séparés par des failles larges de sept mètres environ. Une disposition qui accroît la qualité résidentielle des logements. Les fenêtres sur cour ne s’ouvrent pas sur un espace confiné mais sur un lieu ménageant des échappées visuelles vers le quartier et envahi de lumière. Le jeu des volumes distincts atténue la densité visuelle de l’îlot. Seuls les porches d’un seul niveau protégeant les accès à la cour centrale, relient les trois bâtiments entre eux. Notre projet crée par ailleurs un nouveau cheminement urbain. Il traverse l’îlot et connecte l’entrée principale du quartier, sur l’avenue Denfert-Rochereau, au cœur du quartier, en passant par la Lingerie. Préservée, elle perpétue à l’avenir le lieu d’animation actuel du site.


© Bourbouse & Graindorge / Sergison Bates architectes


Quid des « communs » que doit offrir tout immeuble de Saint-Vincent-de-Paul ?
En décomposant l’îlot en trois immeubles distincts, nous avons supprimé des volumes qu’il a fallu reconstituer ailleurs afin de respecter le programme résidentiel donné. D’où des bâtiments plus épais que d’habitude. Cette solution nous a amené, dans chaque immeuble, à disposer les logements en couronne autour d’un vaste palier-vestibule central. Un espace offrant aux habitants, à chaque étage, un lieu partagé, appropriable. D’autres espaces de même nature se situent au-dessus des porches qui relient les bâtiments en rez-de-chaussée.

Comment intégrez-vous l’exigence de ville inclusive et participative formulée pour Saint-Vincent-de-Paul ?
Un des trois bâtiments de l’îlot accueille un centre d’hébergement d’urgence et une maison relais. Tous deux confiés à l’association Aurore, avec laquelle nous dialoguerons pour finaliser le projet. Mais, nous avons d’ores et déjà cherché à accentuer la dimension collective, pour éviter que le centre d’hébergement se réduise à des chambres alignées le long d’un couloir. À côtés des espaces individuels, un salon et une cuisine communs sont proposés pour trois ou quatre chambres. Cette solution confère une qualité d’usage et favorise les rencontres des personnes hébergées. S’agissant de la participation, un panel de futurs locataires, constitué par la Ville de Paris, Paris Habitat et la RIVP lors des phases amont du projet, travaillera avec nous pour co-concevoir le projet avant le dépôt du permis de construire lors d’une série de workshops.


© Bourbouse & Graindorge / Sergison Bates architectes

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