Îlot Chaufferie

Le bois, oui mais pas que

19 avril 2022
Projet Saint-Vincent-de-Paul / vue aérienne globale du nouveau quartier
Le bâtiment Chaufferie
© P&MA Anyoji Beltrando Images My Lucky Pixel


Afin de maîtriser l’impact carbone du futur quartier, le projet impose l’adoption d’une structure bois pour toute nouvelle construction. Un exemple : l’îlot Chaufferie, conçu par l’agence nantaise Bourbouze & Graindorge.

Entretien avec Nacho Hervias, architecte à l’agence Bourbouze & Graindorge.


Comment avez-vous appréhendé l’impératif de l’usage du bois dans la construction ? 
Un défi supplémentaire. Nous avions déjà utilisé le bois dans certains de nos projets en tant qu’élément structurel et pas uniquement décoratif. Mais, à une échelle plus réduite, par exemple, pour la toiture d’une construction. Or, l’îlot Chaufferie se compose de trois bâtiments, dont deux de neuf étages. L’agence a dû acquérir de nouveaux savoir-faire. Nous sommes par ailleurs remarquablement accompagnés par le bureau d’études techniques EVP – En Vertu des Possibles – qui dispose d’une expérience solide en matière de construction bois.

Quelle est la part du bois dans votre projet ? Chaque bâtiment de l’îlot Chaufferie combine en réalité trois systèmes constructifs : béton, bois et brique. Le béton est utilisé pour les fondations et pour la colonne vertébrale de l’édifice, qui regroupe, au centre de celui-ci, l’escalier, l’ascenseur, les paliers d’étages et les salles de bain. Une structure en bois, constituée de poteaux, de poutres et de planchers entoure ce noyau du bâtiment, sur toute sa hauteur. Le tout est enveloppé d’une façade en brique, autoporteuse, épaisse de 22 centimètres. La brique, matériau noble, protège la structure bois tout en créant un lien urbain avec trois bâtiments préservés de l’ancien hôpital — maternité Pinard, îlot Lelong, Maison des Médecins — eux aussi en brique. Une solution qui répond, entre autres, à la demande d’intégration architecturale dans un environnement patrimonial, formulée par les architectes des bâtiments de France (ABF). Dans l’ensemble, le bois constitue plus de la moitié de la structure, ce qui représente déjà un pas en avant considérable dans l’utilisation de ce matériau à Paris.

N'était-il pas possible de réaliser en bois l’intégralité du bâtiment ? Si le béton assure une stabilité optimale en fondations, son utilisation pour le noyau du bâtiment et le recours à la brique en façade répondent avant tout à des normes strictes de sécurité incendie. Difficile, au vu des règlements actuels, d’imaginer à Paris un immeuble 100% bois. Les normes en vigueur vont aujourd’hui jusqu’à imposer des revêtements protectifs de plâtre pour tous les éléments structurels en bois, alors que le bois de construction est dimensionné pour garantir une bonne stabilité au feu. Le paradoxe actuel est que, la structure bois n’étant plus visible, les habitants ne profitent pas des qualités esthétiques de ce matériau chaleureux. L’usage du bois apparent dans le projet n’a été autorisé que pour habiller les loggias. Mais, il s’agit d’un revêtement et pas d’un élément structurel. Les normes n’évoluent que lentement, suivant la généralisation progressive de la construction bois et les retours d’expérience. L’îlot Chaufferie reflète l’équilibre actuel entre l’envie d’exploiter le bois et les limites de la législation en vigueur.

Projet Saint-Vincent-de-Paul / Vue du bâtiment Chaufferie
© Bourbouze & Graindorge / Sergison Bates architectes


Cette construction mixte nécessite-t-elle de recourir à des techniques particulières innovantes ? 
Non. L’assemblage des poteaux et des poutres en bois, tout comme leur raccordement à la façade en brique et au noyau béton s’effectuent sur la base de techniques parfaitement maîtrisées. Le tout n’est pas sans rappeler les constructions traditionnelles d’avant la généralisation du béton, où les façades en briques ou en pierre entouraient une structure intérieure et des planchers en bois… Il s’agit d’une réappropriation de concepts constructifs antérieurs en quelque sorte. Trois entreprises distinctes interviendront à la fois pour le béton, le bois et la brique, sous la coordination d’une entreprise générale, une procédure habituelle.

D’où provient le bois de construction de l’îlot Chaufferie ? La filière bois nationale connaît actuellement un développement important, en réponse à l’accroissement de la demande. L’intégralité du bois utilisé dans le bâtiment Chaufferie provient donc de France. D’ailleurs, pour l’obtention du label « Biosourcé niveau 3 », visé par le projet, le bois ne peut être issu de sources de production trop éloignées du futur bâtiment. L’aménageur P&Ma et le maître d’ouvrage Paris Habitat, sont d’ailleurs tous deux membres du Pacte Bois-Biosourcés. Cette démarche a été lancée par l’association FIBois Île-de-France, qui réunit les professionnels de la forêt et du bois de la région. Ses signataires – aménageurs, collectivités, promoteurs… – s’engagent notamment à utiliser en priorité du bois produit en France.

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