Construire durablement
Afin de limiter leur empreinte carbone, les futurs bâtiments de Saint-Vincent-de-Paul intègreront des matériaux d’origine biosourcée. Le bureau d’études en ingénierie environnementale Alto Step accompagne P&Ma dans cette démarche écologique.
Entretien avec Gaultier Reynaud, responsable du pôle Aménagement durable d'ALTO STEP
Qu'est-ce qu'on entend par matériaux et construction biosourcés ?
Le terme « biosourcé » recouvre tout matériau d'origine végétale ou animale., Dans nos constructions, il ne s’agit pratiquement que de matériaux issus du végétal. Ces matériaux stockent le carbone que les plantes ont absorbé en se développant, car il s'agit d'un élément constitutif de leur structure. Ils sont également par essence renouvelables d'où leur caractère écologique. Une construction est biosourcée lorsqu'elle comprend une part significative de matériaux de ce type. Pour mieux définir le concept, le label Bâtiment biosourcé a été créé en 2012. Il comporte trois niveaux en fonction de la quantité de matériaux biosourcé utilisés.
Le bois vient immédiatement à l'esprit. Quels sont les autres matériaux biosourcé ?
Le bois est évidemment central. Il est utilisé en tant qu'élément structurel – poteaux, poutres, planchers – ou pour réaliser des menuiseries, portes et fenêtres, ou encore des revêtements, comme le parquet, les plinthes… D’autres matériaux biosourcés sont utilisés pour l'isolation thermique : fibre de bois, paille, laine ou chanvre… Ce dernier représente une filière économique importante en Île-de-France, que le biosourcé peut valoriser localement, lui donnant un intérêt économique en plus du bénéfice environnemental.
On peut mentionner également les matériaux issus du recyclage comme les fibres de coton. Par exemple, les vêtements usagés collectés par Emmaüs sont en partie distribués à des personnes en situation de précarité. Ceux en mauvais état sont broyés, réduits en fibres et employés dans la construction. Les jeans se prêtent particulièrement bien à cette transformation, dans laquelle interviennent par ailleurs des personnes en réinsertion professionnelle. Emmaüs a même créé sa marque « isolant Métisse® », basée sur du coton recyclé. La ouate de cellulose, issue du recyclage du papier, est également un matériau biosourcé. D'autres, moins fréquemment utilisés, proviennent de la noix de coco ou de céréales, dans des régions où ces filières ont du sens et dans des approches parfois encore expérimentales.
Quand l'exigence de la construction biosourcée est-elle apparue ?
Bien qu’ancestraux, les matériaux biosourcés ont été progressivement abandonnés à partir de la Reconstruction, lorsque la production du béton a été industrialisée. ce type de construction est redécouverte avec l'émergence des préoccupations écologiques dans le bâtiment dans les années 1990 et devient centrale avant 2010. Les démarches environnementales se sont tout d'abord concentrées sur l'énergie consommée par le bâtiment au cours de sa vie pour le chauffage, l'éclairage… En parallèle, des bilans globaux de consommation énergétique, prenant en compte à la fois construction et fonctionnement, ont été dressés. Ils ont montré qu'avec un bâtiment aux performances énergétiques optimisées, l'énergie liée à la construction était équivalente, voire supérieure, à celle nécessaire à le faire vivre ! La place du biosourcé dans les objectifs environnementaux des constructions devient alors majeure. C'est une approche récente, le label ne date que de 2012.
Quelle est la stratégie arrêtée pour Saint-Vincent-de-Paul ?
Ici, les cahiers des charges des différentes opérations imposent le respect des critères du troisième niveau, le plus exigeant, du label biosourcé. Qu'il s'agisse de constructions neuves ou de rénovations de bâtiments. Nous ne rechercherons néanmoins pas nécessairement la labellisation car la procédure administrative impose des justificatifs que les fabricants de matériaux biosourcés n’ont pas toujours les moyens de produire.
Alto Step est chargée par Paris & Métropole Aménagement de vérifier la prise en compte de cet objectif. Il est ambitieux, d'autant qu'il se conjugue à la réalisation de bâtiments passifs – très peu consommateurs en énergie – et à des prescriptions architecturales particulières. Il s'agit, par exemple, de faire écho aux architectures hospitalières préservées, ce qui peut suggérer des matériaux de façade non biosourcés tels que lapierre ou la brique, pour les nouveaux bâtiments. Pour autant, les projets retenus sont fondamentalement biosourcé : structure en bois, isolant comme la laine de bois ou le coton recyclé, menuiseries et revêtements de sols en bois…
Peut-on citer quelques exemples de construction biosourcée, en France ou ailleurs ?
À Saint-Dié-des-Vosges, la résidence Jules Ferry, un immeuble de logements sociaux de huit niveaux, réalisé par le bailleur Le toit vosgien, a été construit avec une structure en bois massif et une isolation en paille d'une épaisseur de 40 centimètres : une expérience qui fait école. Il s'agit, en plus, d'un bâtiment passif, comme ceux de Saint-Vincent-de-Paul. Les limites du bois pour la construction en hauteur sont souvent évoquées. Mais aujourd'hui elles sont repoussées. La tour Hypérion, à Bordeaux, un projet d'Eiffage en cours de conception, atteint, par exemple, 50 mètres, soit 17 étages ! À Paris, dans le 18e arrondissement, le bailleur social RIVP a réalisé quatre logements sociaux avec une structure mixte, métal et bois, et une isolation en béton de chanvre. À Montreuil, l'école Stéphane Hessel a été réalisée en bois massif et paille.
La durée de vie d'un bâtiment biosourcé est-elle comparable à celle d'un bâtiment classique ?
Certaines constructions en bois datent de plusieurs siècles ! La durée de vie ne nous préoccupe donc pas particulièrement. La question nous est posée plus fréquemment pour la paille. Or, la plus vieille construction en bois et paille en Europe se situe en France, à Montargis. C'est la maison Feuillette, réalisée il y a…100 ans ! Le Centre National de la Construction en Paille montre que si ce matériau est mis en œuvre de manière correcte, il n'y a pas d'usure particulière à prévoir. Quant à l’incendie, en respectant une bonne mise en œuvre, bois et paille résistent aussi bien qu’une structure métallique et des parois de béton.
« Alto Step est un bureau d'études, présent à Paris, Lyon et Bordeaux, exerçant trois métiers principaux. L'aménagement durable, c’est-à-dire l’accompagnement des aménageurs dans la définition d'une stratégie environnementale et sa traduction opérationnelle comme pour Saint-Vincent-de-Paul. A travers notre pôle Territoire&Environnement, nous intervenons également à une échelle plus large, par exemple à travers la réalisation d'études d'impact ou l'élaboration du volet environnemental de documents de planification territoriale (Plu, Scot). Enfin, via notre pôle Voiries et Réseaux Durables, nous concevons des espaces publics aux côtés de paysagistes, à la croisée de préoccupations techniques, d'usage, d'appropriation et écologiques. »