Les acquis des ateliers Pinard
©Diane Berg
L’annexe citoyenne au cahier des charges de l’équipement Pinard, fruit de plusieurs mois de travail, sera remise courant janvier aux trois équipes pluridisciplinaires de concepteurs. Pouvez-vous revenir sur la démarche de concertation que conclut ce document ?
Nous avons été missionnés par Paris & Métropole aménagement (ex Paris Batignolles Aménagement) pour animer la première démarche de concertation du projet Saint-Vincent-de-Paul autour de l’équipement mutualisé Pinard. Quatre ateliers de concertation ont été organisés, d’avril à octobre, avec pour objectif la formalisation d’une annexe citoyenne au cahier des charges. Au total, une centaine de participants — habitants du 14e, riverains, usagers actuels et futurs du site, adhérents d’associations de quartier… — s’est retrouvée pour partager des réflexions, débattre, imaginer, construire collectivement ce document. Nous avons veillé à une certaine mixité générationnelle.
Au début de la démarche, il était essentiel que les participants s’approprient les spécificités de l’équipement Pinard. Par exemple, le principe de « mutualisation » souhaité par la Ville de Paris, nécessitait d’être explicité. En effet, plus qu’un simple équipement juxtaposant gymnase, crèche et école, le bâtiment est voué à accueillir des espaces polyvalents fréquentés par un public extérieur. Avec l’aide des responsables de Paris & Métropole aménagement, de Yannick Beltrando, concepteur du projet urbain et de Thimothé Turquin de l’agence Alphaville, nous avons ainsi consacré un temps à la pédagogie du projet. Les participants se sont penchés sur ce qu’implique la mutualisation des espaces. Tous les espaces sont-ils mutualisés ? Comment assurer la sécurité des enfants qui fréquentent un équipement ouvert sur le quartier ? Une fois la lumière faite sur les objectifs et leurs implications techniques, les participants ont endossé la casquette du programmiste pour proposer des orientations d’aménagement : quels espaces ouvrir au public, où placer les différents programmes, quelles qualités requises pour leur bon fonctionnement et les conditions de leur mutualisation… La dernière étape était la formalisation de l’annexe citoyenne.
Pour intégrer également l’avis des enfants, premiers concernés, nous avons invité le CAUE de Paris à présenter le bilan des ateliers de concertation menés auprès de six classes parisiennes de la maternelle au collège dans le cadre d’une réflexion sur les cours des écoles. Les propositions des enfants qui rejoignaient sur beaucoup d’aspects celles des participants ont permis d’enrichir l’annexe citoyenne : des recoins dans la cour d’école pour laisser place à l’imagination, grimper, se cacher mais aussi de la couleur pour délimiter les différents espaces et de l’herbe au sol….
Comment le projet Saint-Vincent-de-Paul mobilise-t-il l’intelligence collective pour la construction d’une contribution citoyenne ?
Nous avons pensé la démarche de concertation autour de la notion de « communauté d’intérêt » : à partir de l’intérêt individuel des participants nous construisons un projet collectif. La construction de l’annexe citoyenne s’est faite par étape. Les quatre ateliers forment un processus.
L’objectif du premier atelier, le 11 avril 2018, était de constituer « un réservoir d’idées ». Nous avons demandé aux participants d’exprimer leurs premières attentes. Ils ont explicité ce que serait pour eux un « bon projet » en formulant des critères de qualité, et à l’inverse « un mauvais projet ». Les participants ont ainsi établi une première série de critères pour construire un langage commun. C’est une façon dynamique et interactive de recueillir les attentes et besoins.
Nous avons nommé le second atelier « le jeu du programmiste ». Il s’est déroulé le 11 juin aux Grands Voisins. Trois équipes avaient pour objectif d’énoncer, à partir des plans de l’équipement, des partis pris d’aménagement en imaginant « le meilleur projet ». Elles se sont appuyées sur le réservoir d’idées formulé lors de la première séance dont les participants avaient au préalable annoté des FBI « Fausses Bonnes Idées ». Des images de références ont été proposées comme support de réflexion et pour illustrer leurs propositions.
Nous étions enfin prêts à formaliser l’annexe citoyenne. Pour cela, deux ateliers supplémentaires ont été nécessaires, les 2 juillet et 15 octobre aux Grands Voisins. Nous avons invité l’illustratrice Diane Berg pour « mettre en dessin » les propositions collectives. Cela a permis de confirmer ou affiner les choix. Par exemple, suite à une première version de projet illustrée, les participants ont souhaité que la cour d’école soit davantage végétalisée, que l’implantation du restaurant en toiture soit précisée, et des discussions se sont réouvertes sur la présence de l’eau dans la cour.
©Diane Berg
Quelles sont les grandes orientations de l’annexe citoyenne au cahier des charges de l’équipement Pinard ?
L’annexe citoyenne présente aussi bien les grandes orientations émises par les participants que les idées plus minoritaires, qui représentent aussi une source d’inspiration pour les concepteurs.
Les participants devaient à la fois proposer des pistes pour la destination « d’espaces bonus » c’est-à-dire des espaces supplémentaires non affectés, et identifier les locaux de l’école ou du gymnase pouvant être utilisés par les habitants en dehors des temps scolaires.
La mutualisation des espaces ouverts sur le quartier, sur une large amplitude horaire a fait consensus. Pour les « espaces intérieurs » les attentes portent sur un espace polyvalent dans le gymnase, un club du troisième âge, une ludothèque, une bibliothèque ou médiathèque, une halte répit adaptée aux enfants polyhandicapés en rez-de-jardin. Les usages de la cour et des toitures ont suscité beaucoup d’intérêt. Parmi les idées exprimées, la présence en toiture d’un jardin partagé, potager ou serre — à la fois lieu ouvert au public et lieu pédagogique pour le groupe scolaire et la crèche — accompagné d’un restaurant.
Un consensus s’est opéré également pour que les classes soient accessibles directement depuis la cour, la suppression des couloirs intérieurs autorisant des classes plus vastes et mieux dimensionnées.
Deux possibilités sont émises quant aux modalités d’accueil d’un public extérieur : une ouverture des espaces aux seuls associations et adhérents, ou une ouverture tout public, tout en veillant à préserver la sécurité des enfants.
Concernant le groupe scolaire, le choix de sa localisation est laissé aux concepteurs du projet Saint-Vincent-de-Paul. En revanche, la majorité des participants souhaite que la cour de récréation des niveaux primaire et maternelle soit située en rez-de-jardin et qu’elle soit largement plantée — type « cour Oasis » — avec une séparation végétale entre les deux cours. Les aménagements légers, devront privilégier la déambulation et laisser le plus de place possible aux jeux des enfants.
Une cour végétalisée dédiée aux enfants pendant les temps scolaires ©Diane Berg
Une cour mutualisée avec les habitants du quartier, espace de rencontre et d'animation ©Diane Berg