Retour des Petites Voisines
© Catherine Griss
L’association « Les Petites Voisines » a préservé, dès 2020, l’essentiel du patrimoine végétal de l’ancien hôpital, qu’elle a pris soin de déplacer sur d’autres sites. Elle prolonge aujourd’hui l’expérience, aux côtés du promoteur Quartus Résidentiel, de l’architecte Gaëtan Redelsperger et du paysagiste Cyrille Marlin, dans un processus analogue pour l’îlot Lelong. In situ, cette fois-ci, et d’initiative privée.
Entretien avec Bérénice Perrein, designer-paysagiste et Isabelle Delatouche, artiste, responsables du projet.
Quelle est la genèse de ce projet ? B.P. Cyrille Marlin, paysagiste du projet Lelong, souhaite réutiliser le végétal déjà là. À la fois pour préserver cette ressource vivante et pour prolonger l’identité paysagère et l’écosystème de l’ancien hôpital. Démarche cohérente avec l’approche de l’architecte Gaëtan Redelsperger qui réinvestit, dans l’îlot Lelong, un bâtiment préexistant. Ce binôme a donc jeté son dévolu, entre autres, sur deux grands rosiers, sept aubépines, et un pommier pleureur. Il était néanmoins impossible de laisser ces plantes là où elles avaient poussé. Certaines se trouvaient dans les emprises de futurs espaces publics aux abords de l’îlot Lelong, d’autres, dans des secteurs bientôt en chantier. Il n’y avait pas d’autre choix que de les déplacer et les mettre à l’abri jusqu’à l’achèvement des travaux. Le promoteur Quartus Résidentiel a décidé de faire appel aux Petites Voisines car l’association avait déjà récupéré de nombreux végétaux dans les lieux. Cette fois-ci un défi technique de taille s’est pourtant présenté.
Lequel ? B.P. Des végétaux d’assez grande dimension devaient être transplantés. Les aubépines sont des petits arbres à tous égards. Les rosiers, avec leur branchage volumineux, ne sont pas aisés à transporter. Nous avons heureusement pu bénéficier de l’aide de Yes We Camp, l’un des trois Grands Voisins historiques. Oscar Landais, paysagiste de l’association, s’est beaucoup investi pour la préparation et la réalisation de ce chantier. Il nous a donné de précieux conseils et manœuvré très habilement l’engin de levage indispensable à l’extraction des plantes. Nous avons aussi reçu un support juridique et comptable essentiel. Les Petites Voisines venaient tout juste de se constituer en association lorsqu’elles se sont vu confier la mission de l’îlot Lelong.
© Catherine Griss
En quoi a consisté votre travail ? I.D. Les plantes ont été d’abord taillées pour limiter la quantité de nutriments que le feuillage demande aux racines. En effet, ces dernières ont dû être raccourcies en creusant autour et sous le pied des troncs. Les mottes ainsi formées ont été enveloppées de grillage métallique pour les maintenir lors du transport. Tous les végétaux ont été réunis au sein d’une pépinière de 80 mètres carrés environ, aménagée entre le cèdre monumental et le grand magnolia du cœur d’îlot, eux aussi préservés. Une clôture protège le lieu d’éventuels dépôts de matériaux de chantier et de manœuvres de véhicules. D’ailleurs, des panneaux informatifs précisent aux ouvriers et visiteurs du chantier la vocation des lieux. Six professionnels et quatre bénévoles du réseau Grands Voisins ont mené tous ces travaux en quatre jours mi-avril.
© Catherine Griss
Pendant combien de temps, la pépinière va-t-elle perdurer ? I.D. Trois années environ. À l’achèvement du chantier de rénovation du bâtiment Lelong, les végétaux seront déterrés et replantés en cœur d’îlot selon un plan établi par le paysagiste Cyrille Marlin. Durant cette période, il faudra les entretenir, les arroser l’été, et recouvrir éventuellement le sol de paille, ou de feuilles mortes… pour limiter l’évaporation. Pour des raisons de calendrier opérationnel, la transplantation n’a pu être réalisée qu’au printemps, alors que la pause végétative hivernale aurait été plus adaptée. Néanmoins, pour le moment les plantes réagissent bien, ce qui augure bien du futur. Pour favoriser leur reprise, les trous qui les accueillent dans la pépinière ont été comblés de la terre extraite de leur emplacement originel, avec son mélange spécifique de minéraux, bactéries et champignons.
L’ancien hôpital est en chantier. Cette situation a-t-elle compliqué votre intervention ? B.P. Le personnel du chantier s’est montré coopératif et généreux, grâce aussi, évidemment, à l’intervention de P&Ma qui a joué un rôle de facilitateur en nous accordant l’autorisation d’accéder aux lieux, d’utiliser un point d’eau… et en nous fournissant des matériaux indispensables, comme des éléments de clôture en béton. La curiosité des ouvriers à l’égard de notre initiative semblait sincère.
© Catherine Griss
Avant la mission Lelong, les Petites Voisines avaient entrepris d’elles-mêmes de préserver la végétation de l’ancien hôpital. Où en est ce projet ? I.D. Les plantes collectées à l’époque sont toujours hébergées dans une pépinière à Nanterre. Elles se portent bien, malgré quelques pertes dues aux gelées hivernales. Nous réalisons actuellement leur inventaire à la demande de P&Ma. Il sera diffusé auprès des concepteurs des îlots du quartier et du paysagiste des espaces publics. Il détaillera l’histoire de chaque plante et l’endroit où elle se situait dans l’ancien hôpital. Nous voulons donner envie de replanter ces végétaux dans le site. Une manière, comme le fait Cyrille Marlin dans l’îlot Lelong, de retrouver une cohérence entre passé et futur.