Point d'étape
© Courtoisie Urbaine – Polysémique - Capacités
Un panel représentatif de futurs locataires est impliqué dans la co-conception des îlots Petit et Chaufferie. Aux côtés des architectes et bailleurs, ils apportent leur expertise d’usage. L’équipe Courtoisie urbaine (mandataire), l’agence Polysémique et l’association Capacités, les accompagnent dans cette démarche de dialogue.
Entretien avec Rabia Enckell, Courtoisie urbaine.
Où en est le processus de co-conception du logement social ?
Au terme d’une année de travail, l’engagement des participants demeure fort. Très peu ont « décroché » ! Le panel, qui compte une trentaine de ménages, est représentatif d’une diversité de groupes d’âges et socioprofessionnels, chacun avec ses préoccupations particulières. La digitalisation forcée des échanges, rapidement imposée par la pandémie, a contribué à fidéliser les participants. Ils s’informent et contribuent à tout moment grâce au Padlet du projet. La plateforme d’échanges en ligne est un vrai centre de ressources autour des projets Chaufferie et Petit. Les membres du panel s’y rendent pour chercher des informations, questionner, proposer… Mais, le dialogue n’est bien évidemment pas uniquement virtuel. Cinq ateliers « en présentiel », dont une balade photographique, ont été organisés en 2020. Autant de temps forts de design social et de transmission.
La réflexion est commune aux deux immeubles…
Tout part de l’engagement conjoint de RIVP et Paris Habitat, les deux bailleurs sociaux propriétaires des futurs immeubles. De manière inédite, ils ont voulu un cadre de coproduction de projet commun. D’ailleurs, les futurs locataires membres du panel ignorent s’ils emménageront dans l’ilot Petit ou Chaufferie. Ils n’ont donc pas à dessiner leur propre appartement, mais contribuent collectivement au projet des deux ensembles. L’exercice a été poussé très loin lors des ateliers puisqu’une cuisine collective et une salle commune partagées entre Petit et Chaufferie ont été proposées par le panel. Le collectif a parfaitement intégré une logique de complémentarité d’usages, d’économie de surface et de mutualisation des lieux entre résidents. Les deux bailleurs, présents aux ateliers, étudient maintenant ces propositions. En poussant encore la logique de la mise en commun, certains participants ont également suggéré d’ouvrir la cuisine collective aux autres résidents de Saint-Vincent-de-Paul. Plus complexe, ce sujet renvoie à la réflexion globale actuelle, autour des compétences du futur gestionnaire de quartier sur lequel l’aménageur travaille actuellement.
© Courtoisie Urbaine – Polysémique – Capacités / Photo : Morgane Launay
Les espaces collectifs investissent également les étages…
Des échanges ont eu lieu autour des grands paliers ouverts et couverts qui prolongent, dans le bâtiment Petit, chaque arrivée d’escalier. Les usages restent pour l’heure à imaginer, collectivement. Mais quels qu’ils soient, le sujet est complexe et nécessite de nouveaux outils. C’est pourquoi les services gestionnaires des bailleurs étaient aussi présents autour de la table avec les futurs résidents. Une manière, pour chacun, « d’accuser réception » des problématiques réciproques. Et pour le panel, de prendre conscience des impératifs de gestion : fluidité des circulations, interdiction du stockage, pour ne citer que ces deux sujets.
Les participants ne dessinent pas leurs logements. Contribuent-ils quand même à la conception ?
Oui, ils ont travaillé aux côtés des concepteurs autour de plans détaillés des appartements et de maquettes à l’échelle 1/20e. À peine 20 fois plus petites que l’appartement grandeur nature, elles permettent de comprendre aisément l’organisation du logement, de visualiser le mobilier, d’imaginer les usages et la vie dans les lieux. Les futurs habitants ont ainsi interrogé fortement la proposition d’une pièce multifonctionnelle (chambre, bureau…) entre la cuisine et le séjour, préférant disposer de chambres, eu égard à leurs besoins… Et pas non plus de toilettes sans lave-mains ou de cuisines ouvertes où l’usager tourne le dos au séjour. Autant profiter de la vie de l’appartement, pendant la préparation du repas. Les architectes ont consacré beaucoup de temps au panel qui, lui, a dû faire l’effort de s’approprier des concepts hermétiques au premier abord…
© Courtoisie Urbaine – Polysémique - Capacités
Par exemple ?
« L’appartement paysage », où des cloisons et des portes… aussi transparentes que possible laissent filtrer une partie de la lumière jusqu’au cœur du logement. Ou les « couloirs utiles ». Ce dispositif fait de la porte de la chambre d’enfants une cloison mobile. En l’ouvrant largement sur le couloir, l’espace s’agrandit. Dernier exemple, une cloison épaisse faisant office de rangement multifonctionnel entre vestibule et séjour. Ces solutions ont fait l’objet de discussions nourries avant d’être adoptées par le panel. Tout en se les appropriant, les habitants ont proposé des adaptations liées à leurs propres projections. Il a été proposé, par exemple, d’équiper les salles de bain de deux portes. Elles deviennent accessibles depuis la zone nuit et la zone jour. Les invités les utiliseront sans perturber le sommeil des enfants…
Les solutions proposées diffèrent-elles des standards du logement social ? Comment les accueillent Paris Habitat et la RIVP ?
Les nouveaux modes d’habiter étaient au cœur de l’initiative des deux bailleurs sociaux. Leur implication dans la recherche d’une meilleure adéquation du logement à ses occupants est réelle. Les propositions émergeant du travail conjoint des futurs locataires et concepteurs sont prises très au sérieux. Leur faisabilité technique et économique est évaluée, y compris dans une perspective de gestion dans la longue durée, mais rien ne s’y oppose sur le principe, au contraire. Paris Habitat et la RIVP souhaitent réinterroger l’habitat. Même l’idée d’une chambre d’amis, partagée, dans le logement social, soulevée par certains, est à l’étude aujourd’hui.
Quelles sont les prochaines étapes du dialogue ?
Nous avons mené, courant décembre, une enquête auprès des membres du panel pour mieux cerner leur perception du processus de dialogue et leur degré de satisfaction. Les réponses pouvaient être anonymes, mais peu ont choisi cette option. La conclusion principale ? Globalement ils sont très satisfaits, impatients d’en découvrir les résultats, et les formes d’intégration de leurs contributions à la veille du dépôt des permis de construire. Le dialogue se poursuivra après le dépôt des permis de construire autour des modalités de gestion des futurs immeubles et des usages des espaces collectifs… Il se terminera avec un accompagnement dans l’accueil des futurs locataires et l’appropriation des lieux.