Thanks for Nothing

Solidarité + création (2/2)

09 novembre 2020

Le troisième paradis, Nuit Blanche 2019, Paris
© Thanks for Nothing

 

Un modèle économique intégrant le principe de l'adhésion solidaire fera vivre le projet culturel de la « Façade Denfert », dans ses dimensions à la fois locales et métropolitaines.

Lire la seconde partie de l’interview de Marine Van Schoonbeek, présidente et co-fondatrice de Thanks for Nothing.


La Ville de Paris souhaite créer un lieu à la fois ancré localement et une destination métropolitaine. Comment retraduisez-vous cette exigence ?

Nous allons tout faire pour que les premiers visiteurs de nos espaces soient nos voisins, résidents et usagers du quartier Saint-Vincent-de-Paul ou habitants des arrondissements limitrophes. Cet environnement de proximité bénéficiera d’un programme à destination des scolaires, enfants et adolescents. Ils visiteront les expositions, participeront à des ateliers et rencontres avec les artistes en résidence, ou à des cours de cuisine avec Refugee Food festival… L’objectif est de démocratiser la culture et sensibiliser les plus jeunes aux enjeux solidaires, comme la question de l’accueil des réfugiés, qui demeure mal perçue en France. C’est avec la jeunesse que s’opère le changement de regard. Un programme analogue sera destiné au tissu associatif, de quartier ou parisien.

Le public local profitera directement d’une programmation artistique très exigeante mêlant art contemporain, littérature, poésie, performances, vidéos… C’est elle qui assurera le rayonnement métropolitain, national et international du site. Des partenariats seront noués dans cette perspective avec des organismes de rang mondial, fondations artistiques, musées et universités. Car des scientifiques pourront eux aussi venir en résidence et apporter un éclairage très différent sur la culture, la création et le social. « La Collective » vivra si elle fonctionne avec le territoire, mais aussi avec des voix d’ailleurs.

Ce projet nécessitera la mobilisation de ressources importantes. Quel est son modèle économique ?
Le modèle économique repose sur différents fondements. Le premier, à l’image de ce qu’ont fait les Grands Voisins pendant l’occupation temporaire, est un « système de communs ». Thanks for Nothing partage et cogère des espaces avec le Refugee Food Festival et Makesense dans un partage de ressources à organiser. Ensuite, le financement privé est essentiel, la Ville de Paris l’a souhaité, avec une part importante de mécénat. La conjoncture actuelle n’est évidemment pas favorable, mais Thanks for Nothing bénéficie de plus de 15 ans d’expérience en la matière. Dernière base de notre modèle économique, nos ressources propres. Elles ne relèvent pas d’une billetterie classique. Nous ferons appel à l’adhésion solidaire, un système déjà adopté par certaines structures, notamment des tiers lieux. Le visiteur contribue à l’ensemble de la programmation à hauteur de ce qu’il souhaite attribuer. Les études menées et consultées pendant toute l’année dernière démontrent que ce fonctionnement de billetterie non imposée est, d’une part, plus juste, car il permet une participation proportionnelle au revenu ou aux envies, et, d’autre part, se montre parfois plus généreux. La visite des expositions et des parcours artistiques sera gratuite. En revanche, la participation à des ateliers et à des workshops, les projections de films, les spectacles de danse, les performances… qui mobilisent des équipes de taille, demanderont une contribution financière.


Mobilisation pour les Grands Voisins, 2020, Paris © Thanks for Nothing


Autre ressource très importante, la privatisation. Elle représentait déjà une recette importante dans le fonctionnement des Grands Voisins. C’est une valorisation du patrimoine immobilier – 4 000 mètres carrés – si on englobe l’entièreté de La Collective. Dans les interstices de la programmation, certains espaces seront mis à disposition d’entreprises privées, contre rémunération, pour des événements de tous types. La Pouponnière, par exemple, conservera sa fonction actuelle de lieu de conférence et débat. Thanks for Nothing ne dispose pas actuellement de structure commerciale, mais c’est déjà le cas du Refugee Food Festival, qui vend des repas, ou de Makesense qui loue ses espaces de bureaux…

Cogedim s’est par ailleurs engagé à nous soutenir pendant les trois premières années d’ouverture du lieu avec une enveloppe de mécénat importante. Le promoteur s’implique activement dans la réussite de ce projet. Notre structure est gérée de façon complètement privée. Notre bailleur n’est pas la Ville de Paris, qui a cédé le foncier à des acteurs privés, ni un une autre entité publique. Il s’agit d’une foncière solidaire associant la société Galia, la Banque des Territoires, le Crédit Coopératif, habituée à la gestion de tiers lieux, et qui rachète les espaces du fameux CINASPIC, « une construction et installation nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » décrit dans le PLU de Paris.

Depuis plusieurs mois nous sommes installés aux Grands Voisins. Nous avons rencontré les acteurs présents et échangé avec beaucoup de transparence, générosité et richesse sur ce modèle extraordinaire mis en place depuis cinq ans. Son esprit se prolongera dans notre projet, tout en intégrant une nouvelle dimension d’ancrage auprès d’artistes et d’institutions culturelles contemporains. Dialoguer de façon simple, passer le relais et pourquoi pas prolonger avec eux des collaborations à l’avenir. Lire la première partie de l'entretien.

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